Cet article arrive pour répondre à quelques questions que nous avons reçues de copains marins à propos de notre traversée. Je vais essayer d’y répondre synthétiquement.

Le choix d’une traversée Madeire/Guyane ne répond pas à des critères de navigation. La route classique avec des escales aux Canaries et au Cap vert est plus logique si l’on veut réduire le nombre de jours consécutifs en mer. Mais comme nous irons aux Canaries et au Cap vert en fin d’année en allant vers le Brésil et que nous serons moins contraints par les saisons nous nous réservons ces escales pour en profiter pleinement et y passer plus de temps.
Quant à l’arrivée en Guyane plutôt qu’aux Antilles, en Martinique par exemple, notre choix a été, pour nous qui ne connaissions par la Guyane, un coup de poker pour éviter une arrivée ultra classique sur des iles qui sont quand même très occidentalisées. Dans un prochain article nous dirons pourquoi nous ne regrettons vraiment pas ce choix et que nous le conseillerions à ceux qui préparent une transat.
Cette année la météo était un peu particulière. Le mauvais temps sur l’Europe a fait descendre vers le sud l’anticyclone des Açores qui par conséquence a comprimé les Alizés. Nous avions donc du mauvais temps à notre nord et des hautes pressions qui se renforçaient au sud. Sitôt dégagé du dévent de Madeire nous avons suivi le peu de vent que nous avions, direction sud, presque la route des Canaries. A la hauteur du Cap Vert nous avons trouvé les Alizés.
Nous avons décidé de chercher le meilleur compromis confort/vitesse plutôt que d’essayer de mettre le moins de jours possible à traverser. Le plein vent arrière est donc proscrit et nous naviguons entre 145 ° du vent (vent faible) et 160 °. Le critère est d’avoir toujours suffisamment de pression pour que la voile d’avant ne se dégonfle pas dans le creux des vagues. La GV, bloquée par une retenue de bôme, pose moins de problème.
Pour ceux que cela intéresse, je peux vous envoyer un Powerpoint (ou PDF) qui décrit notre route, jour par jour, avec les cartes météo superposées. il suffit de nous laisser une adresse mail en commentaire.
Les alizés manquaient de puissance pour que la mer s’organise en longue houle. Nous avons eu des vagues d’environ 2 mètres assez désordonnées, parfois croisées. Deux ou trois degrés d’angle de vent en plus ou en moins changent totalement la situation et le pilote est vraiment meilleur que nous sur les longues distances. Nous lui avons donc confié la barre, en mode vent, pendant toute la traversée. Il a été parfait.
Classiquement nous avons adapté la voilure à la force du vent, le gennaker étant rentré à 15/17 kn de vent et ensuite Gv + génois et ris dans la GV. Quand le vent forcissait nous avons essayé puis adopté de naviguer sur GV seule. Par plus de 20 kn la vitesse diminue peu et il est possible de descendre un peu plus dans le vent. C’est très confortable, peu de surveillance à faire, peu de bruit. C’est la voilure des nuits ventées.
Jamais nous n’avons sorti le spi, ni tangoné le génois. Cela nous aurait permis de faire une route plus courte mais je suis persuadé que nous aurions perdu beaucoup de confort et probablement sans gagner en performance.

Pour ce qui est de l’organisation à bord la journée est rythmée par un pointage toute les 3 heures sur le livre de bord. La nuit, dès que nous sommes à plus de 200Nm des côtes nous dormons tous les deux, AIS sous alarme réglée à ½ heure du risque de collision et nous effectuons à tour de rôle un petit contrôle toutes les heures et demi. Soit un rythme de 3 heures de sommeil non-stop chacun.
Pour une route direct de 2560 Nm nous avons fait 3200 Nm en 18 jours soit 7,4 kn de moyenne (un peu moins de 6 kn sur la route directe), en mode régate on aurait mis deux à trois jours de moins. Nous sommes arrivés ravis de notre traversée, pas fatigués, en ayant pris le temps de bien manger, de faire notre pain, de pêcher, de vivre.