De Tobago à La Martinique nous nous sommes pris au jeu de la navigation aux Antilles.
Des distances courtes entre les iles, l’embarras du choix pour les mouillages, du vent et du soleil, que manque-t-il ? Des gens sympas, oui partout ! Du rhum, presque trop ! De l’eau translucide, oui cristalline et chaude ! Des baies de pirates, on en trouve !
L’ambiance est lumineuse, joyeuse, colorée, musicale. Nous n’avons pas cherché de profondeur en second plan de ce tableau de rêve. Il n’y a peut-être rien à trouver, peu importe restons superficiels, légers et en vacances. Navigation le matin, escale et bain l’après-midi, apéro le soir.
Avec bonheur nous cabotons de cartes postales en tableaux pastel. Notre plaisir est sur l’eau, au ras de la côte à jouer avec le vent et les courants. Seulement quelques heures de navigation entre deux mouillages et nous ne sommes jamais pressés d’arriver, alors nous trainons, voilure réduite, et nous admirons la beauté des îles. Sans cesse nous nous émerveillons des paysages. Tous les jours nous trouvons le plus beau mouillage, la plus merveilleuse plage, l’eau la plus lumineuse, le village le plus accueillant, … Mais arrêtons les comparatifs et les superlatifs, inutile de hiérarchiser, apprécions chaque instant, chaque lumière, ils sont si nombreux à être exceptionnels.
Tobago est la chanceuse de ces îles. A l’écart de la route des bateaux de location et des charters, elle profite du dynamisme économique de sa grande sœur Trinidad pour pouvoir vivre aisément. On y a compté moins de 20 bateaux pour l’ensemble de l’ile, quelle tranquillité. Charlotteville, au nord, est la baie idéale. Sa courbe soulignée par une belle végétation fleurie est parfaite, le village de pêcheurs anime la plage, La Grande Lulu s’y dandine de plaisir. C’est l’endroit idéal et que nous conseillerions pour une arrivée de transat. Le rêve antillais n’y est pas brisé, bien au contraire.

Les 80 Nm entre Tobago et Grenade sont avalés dans la journée, 10 heures de navigation toniques nous permettent de partir et d’arriver de jour. A Grenade nous trouvons la masse des bateaux de plaisance. Le grand port de St George et quelques baies aux alentours concentrent les mouillages. Ce sera toujours ainsi jusqu’en Martinique, quelques endroits bondés et la plupart des autres mouillages beaucoup plus calmes.

A regarder les autres on imagine le rêve de chacun. Avoir un très beau, très grand voiler, ou plutôt un bateau de pirate, ou alors un minuscule bateau, ou bien celui fait de ses mains. Etre en voyage, ou en vacances, insouciant les pieds dans l’eau et le verre de punch à la main.
Grenade, Les Grenadines formées par Union Island, Mayreau, Canouan, Tobago Cays, Moustique, Béquia nous offrent un terrain de jeu fantastique. Si aujourd’hui ces îles sont calmes et stables et que nous pouvons nous y promener sans arrière-pensée, cela n’a pas toujours été le cas. Grenade fête ses 50 ans d’indépendance, ce n’est pas si loin. Pendant longtemps Anglais et Français s’y sont affrontés pour se les approprier et on retrouve dans les noms des lieux les traces de ces deux envahisseurs.
Les Anglais ont laissé des noms assez prévisibles comme Britania Bay, Endeavour Bay, Georgetown, Port Elizabeth et ont été suffisamment fourbes pour dénommer un ridicule caillou « Bonaparte ». Les Français ont été plus imaginatifs, voire gaulois et nous sommes passés par Petit Bordel Bay, pointe du Petit trou et pointe de Chique la moule, l’île Morpion voisine de la Punaise, les îlots Petit Bateau et Petit Tabac, Vide bouteille, Brute, Diable, Lascar et autre Zozio …
Nous continuons vers le nord, vers St Vincent et Ste Lucie. Plus grandes, ces iles semblent plus contrastées avec des villes riches et des villages plus démunis. Au nord de St Vincent nous nous arrêtons à Chateaubelair bay. Malheureusement pour le petit village, un fond de houle et une plage un peu trop pentue rendent l’accès en annexe délicat. Alors sur les bateaux de passage les équipages restent à bord et le village ne profite pas de cet apport économique. Quelques téméraires viennent sur les embarcations de fortune nous proposer des fruits et leur service pour visiter les alentours. Nous rencontrons Boy-Boy. Son nom semble être un gag mais quand plus tard nous demanderons le chemin de sa maison on nous l’indiquera sans hésitation, c’est donc bien comme cela qu’il s’appelle. Boy-Boy parle un peu français, il a appris avec des cassettes que lui a données une femme sur un bateau qui passe ici de temps en temps. « Une bretonne comme vous » nous dit-il. Il est malin Boy-boy il a repéré notre ‘gwen-a-du’ et tente le message « les bretons sont généreux ». le lendemain matin, profitant d’une houle un peu plus faible, nous arrivons enfin à débarquer et retrouvons Boy-Boy juste là quand il le faut près à nous aider. Curieux hasard pensons-nous que l’endroit où nous avons réussi à débarquer soit là où il vit. Naïfs que nous sommes ! Il n’y a pas de hasard, il n’est là que pour nous. Nous nous laissons faire et acceptons sa proposition de nous guider jusqu’aux chutes qui font la renommée de l’arrière-pays. L’endroit est effectivement sympathique. Nous remercions notre guide pour pouvoir profiter à notre rythme des lieux et convenons de le retrouver à sa maison. Même si nous ne nous attendions pas à une superbe villa nous sommes sous le coup en y arrivant. Sur un tout petit terrain en forte pente, Boy-Boy vit dans une masure de bois et de tôles. Sa pauvreté nous touche.

Il nous reçoit avec le sourire, nous montre fièrement ses quelques arbres fruitiers, bananiers, orangers et ananas. Boy-Boy n’est pas dans la plainte, il a des projets, nous montre la minuscule pirogue qu’il s’est fabriquée « beaucoup de travail, explique-t-il » et le petit bateau pneumatique qu’il a récupéré et qu’il répare depuis longtemps. «Il me manque de la colle pour finir les réparations » et il espère que quelqu’un voudra bien lui en ramener de Martinique. Boy-Boy ne demande rien expressément, il explique juste de quoi il a besoin et qu’il ne peut se procurer. Quand vient le moment de se quitter Boy-Boy a l’amitié collante, il nous retient et veut nous faire un cadeau. Il nous offre trois bananes de son jardin et une petite poignée de noix de muscade, puis nous demande quand nous reviendrons.
Notre vie de voyageur est faite de rencontres et de départs.
Rapide halte de deux jours à Ste Lucie puis nous reprenons la mer pour La Martinique. Nous nous régalons de la navigation dans les canaux entre les iles. Réputés difficiles ces quelques heures de navigation sont en réalités simples. Le vent et les courants ne sont plus capricieux comme sous le vent des îles et nous pouvons faire marcher La Grande Lulu à son maximum. Évidemment il y a un bon 20 nœuds de vent et la mer qui va avec. Pour ceux à qui on a vendu « une croisière de rêve sur un catamaran » et qui commencent par ces passages agités, on peut comprendre que ce soit inconfortable mais pour qui est amariné (et navigue sur un vrai bateau) c’est un bonheur.

Nous voyons La Martinique avec un œil neuf. Nous n’y étions jamais allés ensemble et nos précédentes visites respectives nous avaient laissé sur notre faim. Pas assez exotique, trop proche de nos habitudes hexagonales, trop loin de nos fantasmes sur les Caraïbes. Nous apprécions aujourd’hui cette île pour les même raisons qui nous faisait ne pas trop l’aimer hier. Qu’il est bon de retrouver nos repères. La langue française, le pain, l’odeur d’un « vrai » café.
Nous y sommes quelques jours pour prendre soin de La Grande Lulu, qu’elle nous emmène tous encore longtemps !
bonjour
en vidéo du soleil breton …
bises
yannick
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