La Martinique, La Dominique, La Guadeloupe, trois îles qui font rêver, on y trouve des petits bouts de paradis, les belles plages, les forêts vierges, les grandes cascades d’eaux limpides, la langue chantée des créoles.
Malgré une urbanisation assez forte, La Martinique nous régale de petites perles, à Anse d’Arlet une simple bière servie sur une table en plastique se transforme en apéro romantique, nous sommes sur la plage, les pieds dans le sable, le couché de soleil devant nous. A Saint Pierre une fanfare locale se prépare pour le carnaval et répète dans la rue. Du Prêcheur à Grand Rivière une belle randonnée nous offre un beau bouquet de montagne, de forêt et de bord de mer.
La Guadeloupe, ou plutôt les îles de La Guadeloupe, nous renvoient à nos rêves des Antilles. Les Saintes, Marie Galante, La Désirade, Basse Terre et Grande Terre nous promènent des histoires de pirates à la chanson de Voulzy. Les îles sont si proches les unes des autres que l’on est surpris de leurs diversités. De la sécheresse des Saintes nous passons en un saut de puce (de mer) à la forêt humide de Basse Terre. De la fébrilité de Pointe à Pitre nous nous sauvons vers le calme et le charme suranné de Marie Galante. Les mouillages sont nombreux, la navigation vive : un rêve de plaisancier.
On pourrait voyager dans une légère insouciance, profiter du soleil, de la mer et du ti punch mais voilà, on ne peut pas toujours rester aveugle surtout quand ça saute aux yeux.
Toutes ces îles ont été touchées par le cyclone Maria en septembre 2017 qui a fait sur toutes les caraïbes quelques centaines de morts, et des milliers de maisons dévastées, d’arbres arrachés, de chemins ravinés.
A La Dominique les stigmates sont encore très présents 18 mois plus tard, l’état peine à restaurer les bâtiments publics, nombre de maisons restent sans toiture mais bâchées, rafistolées, sans fenêtres, il y a des robinets dans les rues, l’eau n’arrive pas dans toutes les habitations. L’île, indépendante depuis 1978, vivait essentiellement de l’agriculture et du développement d’un tourisme vert, tout cela a du mal à redémarrer. Les dominicains sont très accueillants et leur île est magnifique, on aimerait bien les aider un peu.

Simon et son équipage sur la « Barbara », (le karaté n° 1 pour les amateurs de voilier) sont restés pour monter une toiture en tôle, le propriétaire les a copieusement rémunérés en rhum, ils sont rentrés très fatigués.
Guest-house et chemins de rando sillonnent l’île, un bon plan pour les marcheurs. L’accès est souvent payant, une façon comme une autre de participer à l’économie locale, c’est celle que nous avons choisie. Forêts humides et sèches, volcans, lacs comblant les cratères, cascades et chemins de crêtes surplombant l’ensemble nous ont enchantés.

Les cyclones ont fortement impacté la forêt. Les grands arbres sont tous cassés à mi-hauteur sur de larges couloirs. Pour autant ce n’est pas un paysage de désolation que nous avons trouvé. La canopée étant détruite, le soleil et la pluie parviennent maintenant jusqu’au sol et profitant de cette aubaine une nouvelle végétation colonise les couches basses de la forêt. Plantes, fougères, herbes qui normalement n’ont pas assez d’eau et de lumière pour se développer dans ses forêts sèches, rivalisent de vitalité pour coloniser le sol et les premiers mètres de hauteur.
Quant aux grands arbres, en manque de respiration, ils ont réagis en se recréant un feuillage, vite fait, sans prendre le temps de se refaire des branches, et donc à même le tronc. Cela leur donne un drôle de look, comme une coupe de cheveux branchée mais d’un gout douteux.
L’ensemble forme un paysage improbable, de lumières, d’une multitude de verts parfois fendue d’un vol de perroquet à la queue rouge, d’odeurs, de formes, de vies.

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En mer, nous ne pouvons pas rester aveugles non plus à la prolifération des sargasses, ces algues dorées que les courants portent et qui envahissent les côtes Est, au vent des îles. C’est comme les algues vertes bretonnes, elles s’amoncèlent sur les plages et leur concentration dégage des gaz toxiques. Rejets de nitrates et phosphates des cultures intensives brésiliennes (les courants remontent de là et il faut bien trouver un responsable, étranger de préférence), réchauffement climatique seraient les causes du phénomène. En mer, on en voit pas mal disséminées, elles nous gênent pour pêcher. Pourtant, dans « le vieil homme et la mer » Hemingway écrit qu’elles signalent les crevettes et les daurades mais nous, quand on remonte la ligne, on a…un paquet de sargasses. Un jour en mer, le banc était tellement épais qu’une tortue se reposait dessus. Soyons optimistes, quelques utilisations se développent, en Floride, une couche de sargasse, une couche de sable, une couche de plantation permettent de fixer les dunes. Des bretons l’utilisent dans la fabrication d’un nouveau « plastique » et à Marie Galante les agriculteurs les répandent en guise d’engrais, ils vont ré-inventer la bonote noirmoutrine.
Justement, à propos de produit phytosanitaire, ici, en Guadeloupe, on ne parle que du chlordécone.
Quèsaco ? Un pesticide utilisé massivement dans les bananeraies de 1972 jusqu’à son interdiction en 1993 (interdit dès 1979 aux USA, ce n’était pas Monsanto le producteur). Très toxique, le produit s’est répandu partout et persiste. Sols, rivières, bétails, volailles et légumes racines, le cycle connu, tout est contaminé et par répercussion, la totalité de la population. Cancer de la prostate, infertilité, malformation…Notre source est sûre, c’est le coiffeur d’Hervé qui le dit ! Mais les infos sont faciles à trouver si vous ne voulez pas venir jusqu’ici pour une coupe.
Pour ceux qui veulent du rêve en veux-tu en voilà, il y en a encore pour tous. Les plages sous le vent sont propres, pas de détritus, pas de plastique dans l’eau limpide, ni près des récifs. Le long des roches la vie est très active, un masque un tuba et nous voilà dans un nouveau monde coloré et frétillant, petits et gros poissons y fraient. Petit détail, 28°, c’est la température de l’eau…
Hier, nous avons croisé au large de La Guadeloupe notre première baleine qui a sauté et fait de gros splaschs en retombant dans la mer. Cela nous a rendu heureux pour le reste de la journée.