De la Havane aux Bermudes

La Havane est une vieille dame

L’herbe pousse entre les pierres, les îlots de salpêtre soulèvent petit à petit la peinture qui s’écaille et s’envole,  les fissures dessinent des éclairs d’une fenêtre à l’autre,  les balcons se retiennent avec l’énergie du désespoir aux façades, la rouille brode des dentelles aux balustrades, une araignée fantaisiste tisse son fil électrique  d’une demeure à l’autre, tout ce qui peut protéger de la pluie s’inclut dans le grand patchwork des toitures et parfois, n’en pouvant plus, la maison s’écroule et ses gravats envahissent le trottoir.

Ses quartiers sont animés,  sur les trottoirs les rocking-chairs  balancent les papys, les femmes assises sur les marches papotent, les hommes jouent aux dominos, deux paires de tong pour les buts, une canette vide  pour le ballon et les garçons disputent un match décisif tandis que les filles font tourner les robes au rythme de la musique  qui sort des fenêtres ouvertes.

La Havane est une vieille dame mais tellement belle !

La moitié de la manne touristique s’emploie à restaurer les bâtiments et le cœur de la vieille ville a refait peau neuve mais il en reste tellement que le défi  de tout rénover avant que cela ne s’écroule semble difficile à tenir.

Et pourtant, il se dit que La Havane  serait la plus belle ville d’Amérique et nous sommes prêts à le croire.

Nous avons quitté Cuba, cette île exubérante, si singulière qui déclenche tant de passion  et navigué vers les très sages Bermudes. Changement d’ambiance, de décor, de niveau de vie. Les Bermudes, c’est comme un grand lotissement paysager de luxe. Les cottages sont séparés par de beaux jardins bien entretenus,  pas de clôtures, l’ensemble est harmonieux et nous sommes sous le charme. Les hommes portent dignement le bermuda, tout cela est tellement « british ». Pour l’ambiance, c’est exactement le contraire de La Havane, pas une écaille au mur et pas un chat dans les rues après 19 heures.

Après avoir été riches parmi les pauvres, nous voici pauvres parmi les riches. 10,5 dollars la pression, on passe vite fait à l’eau, nous ne nous attardons pas et poursuivons notre route vers les Açores