Régates aux Îles Vierges


Petit saut par petit saut nous voici au nord des petites Antilles, aux îles vierges dans la partie britannique. Imaginez, amis marins, une cinquantaine d’îles et îlots entre Groix et Hoëdic le beau bassin pour régater ! Les formes sont douces et arrondies, collines arides s’élevant de quelques centaines de mètres, posées sur l’eau comme un troupeau de tortues géantes qui se reposerait sur les eaux limpides. De petites plages au sable blanc se nichent au fond des baies, choisir le mouillage « paradisiaque » du soir est le grand problème de la journée.


Prenez le vent des alizés toujours constant entre sud-est et nord-est, ajoutez une petite rafale de vent catabatique qui descend des reliefs pour jouer le rock’roll dans la voile, mettez-y une bonne accélération d’effet de pointe au passage entre les îles, n’oubliez pas de penser aux courants, semez quelques cailloux et hauts fonds à éviter et voilà : le plateau de jeu est prêt pour la bagarre.


Dès l’ancre relevée, le capitaine de « La Grande Lulu » scrute le terrain à la recherche d’un lièvre à sa hauteur, les critères sont strictes : un vrai bateau de vrai marin, en deux mots, un monocoque à la voilure bien choisie. Ici, il y a beaucoup de vacanciers sur des bateaux de location qui utilisent surtout le moteur. Quand devant nous, navigue une belle coque effilée aux voiles bien réglées, Hervé commence à s’exciter, voici la bête à rattraper, saluer et surtout dépasser. A la barre, un œil sur le concurrent l’autre sur les voiles il donne les consignes. Choquer, border, choquer, border, choquer border… l’écoute de génois à bâbord, l’écoute de la grand-voile à tribord, j’exécute les ordres et passe d’un winch à l’autre pour garder le meilleur réglage malgré les variations, on fignole en jouant sur la bordure et le halebas. Souvent notre « victime » s’en moque et nous regarde la dépasser en nous saluant comme tout bon marin respectant la tradition mais parfois, on tombe sur un teigneux pis qu’Hervé et nous voilà lancés. L’excitation monte d’un cran de part et d’autre, la cadence des consignes itou.


Ne rien lâcher, profiter des moindres effets de côte. C’est dans les transitions du vent que l’on gagne ou que l’on perd. Molle devant, ça va refuser, un peu de barre sous le vent, on anticipe sur le réglage du génois. Le vent revient, on en profite pour remonter en escalier et augmenter notre décalage latéral. Ça monte encore en ondulant, on barre à pression constante peu importe les variations de cap c’est la vitesse qui prime. Un peu moins de vrillage sur la chute de GV et la vitesse augmente encore. Cap identique, vitesse supérieure, c’est bon on va les avoir !


Notre plus belle prise est un oyster de 66 pieds battant pavillon anglais pour vous dire comme nous étions motivés, rude fut la bataille mais grande la jubilation !


Aux îles vierges, on peut même se vanter d’avoir passé le Drake* en manche de chemise.

The baths


Une fois les voiles pliées, que faire aux îles vierges ? Plonger le nez masqué dans l’aquarium, aller se promener à « the baths », c’est juste splendide et puis… se poser sur la plage et bénir l’exceptionnelle loi du littoral française qui nous protège de toutes les aberrations de constructions vues ici.


Cap à l’ouest pour Cuba, nous quittons cette ambiance un peu superficielle où tout est fait pour le vacancier et comment lui faire approcher le paradis en le délestant de ses biens matériaux, en l’occurrence, ses dollars.

  • le passage du Drake le plus connu des marins est celui qui sépare le cap Horn de l’Antarctique mais c’est aussi le passage principal au centre des îles vierges. Hurlant ou rugissant, mieux vaut être bien couvert.

De Montserrat aux Iles Vierges

Nous naviguons vent arrière, direction Nord-Nord-Est. La Guadeloupe que nous venons de quitter s’éloigne rapidement. A ce moment nous ne savons pas encore que nous allons vers des changements surprenants.

Partant de la belle baie Deshaies au Nord de la Guadeloupe, nous avons à choisir entre deux choix de route. Depuis Tobago les iles se suivaient formant un arc de cercle régulier, nous suivions cette courbe et le seul choix était de s’arrêter ou pas dans chaque ile. Mais maintenant l’archipel s’élargit avec les grandes iles touristiques (Antigua, St-Barth, St-Martin, Anguilla) au vent, c’est-à-dire vers l’Est, et un chapelet de petites iles (Montserrat, Nevis et St-Kitts, Satia, Saba) plus sous le vent, soit plus à l’Ouest. Voilà deux routes qui se dessinent, s’éloignent puis se rejoignent aux Iles Vierges Britanniques et Américaines, dernières iles des petites Antilles. Sans trop hésiter nous choisissons la route sous le vent vers ces petites iles dont nous ne connaissons rien.

Sitôt partis, nous ressentons qu’il se passe quelque chose. Il n’y a plus de bateaux autour de nous, nous naviguons seuls ce qui est rare en ces régions. Nous progressons vers Montserrat, cette ile a la particularité d’avoir un volcan actif, la dernière éruption date de 1995, un grande partie  a été ensevelie et la plus grande ville, la capitale, complétement détruite. L’activité volcanique est sous surveillance,  les accès  sont conditionnés aux humeurs du cratère. Quand la silhouette de Montserrat se précise et que nous commençons à distinguer les détails de la côte nous comprenons que nous avons basculé dans un autre monde. Fini les pentes verdoyantes et les plages de sable blanc. Fini les petits villages accueillants. Fini la douceur bisounours des Antilles touristiques. La côte sud  par laquelle nous arrivons est  brulée, arasée, laminée par des coulées de lave incroyables qui  du cratère jusqu’à la mer ont tout emporté. Le cône fume toujours, un lourd nuage en descend et répand une forte odeur de soufre. Il nous est interdit d’approcher la côte à moins de 2 Nm (un peu moins de 4 km), nous trichons un peu pour mieux percevoir les détails de ce paysage minéral. En passant devant l’ancienne capitale nous distinguons clairement les ruines des maisons abandonnées et essayons d’imaginer sous une grande coulée de lave ce qui devait être le centre-ville. Un peu de végétation est réapparue dans ce qui a été le cœur de l’ile.

Nous continuons à longer la côte et sortons de la zone sensible du volcan. Assez rapidement nous voyons de nouvelles constructions, grandes et colorées, joyeuses et optimistes qui contrastent avec la désolation du sud de l’île. Dispersées à flanc de colline ces maison ne forment ni hameau ni  ville. C’est une curieuse psychologie de reconstruction qui nous laisse interrogatifs. Nous mouillons devant un nouveau port qui n’est qu’une zone de débarquement un peu aménagée pour des barges et des bateaux de liaison. Notre projet initial était de partir randonner jusqu’au volcan, attirés par sa respiration mais il n’est pas accessible tous les jours et nous n’avons pas envie de nous faire emmener dans une promenade voyeuriste de la ville détruite.

Nous décidons donc de ne pas descendre à terre, de passer la nuit au mouillage et de repartir le lendemain matin. Nous sommes des étrangers de passage, fallait-il que nous allions nous présenter à l’immigration et aux douanes comme nous le faisons à chaque fois que nous nous arrêtons ?  Nous n’en savons rien, la compréhension et l’interprétation des règles administratives n’est pas notre point fort. Personne ne nous a rien demandé, ni papier, ni taxe et nous sommes repartis tranquillement le lendemain matin, direction Nevis.

Nevis & St-Kitts, elles forment à elles deux un minuscule état indépendant. Un peu secoués par ce que nous avions aperçu de Montserrat nous nous demandons ce que nous allons trouver dans ce petit pays qui passe sous les radars du tourisme. Nevis est un joli petit volcan comme celui que l’on imagine dans nos dessins d’enfants, un cône , haut de 900 mètres retombant en pente douce vers les plages.

Nevis est calme, vraiment calme. Les gens marchent lentement, les voitures roulent doucement et s’arrêtent vingt mètres avant vous pour vous laisser traverser. On nous parle à voix basse, sans intonation. Visuellement nous ne sommes plus dans les mêmes Antilles. L’architecture est très différente, les bâtiments sont construits avec des rez-de-chaussée en pierres taillées grises, assemblées avec des angles nets et raides. Il s’en dégage une austérité toute protestante qui est contrebalancée par les étages qui eux sont en bois peints de couleurs vives. L’ensemble est agréable, équilibré.

Comme c’est la période du salon national de l’agriculture, nous y allons, c’est en plein air et ça tient sur la surface d’un terrain de foot. L’ile est visiblement aride, peu propice à la culture et à l’élevage, nous faisons les curieux. Les préoccupations sont dans l’air du temps, produisons et mangeons bio et local, gérons les ressources d’eau, ménageons la terre et la biodiversité. Ultra tendance correcte. Nous ne sommes restés que deux jours à Nevis, nous n’avons pas tout vu, nous n’avons pas vu d’activité agricole significative, ni d’activité industrielle, ni d’activité tout court. Par contre il y a beaucoup de banques… Notre petit niveau ne nous permet pas de comprendre l’intelligence et les rouages fins du fonctionnement d’un pays mais le doute est sournois.

Le temps d’envoyer la grand-voile il faut déjà préparer l’arrivée sur St-Kitts au port de Basseterre, grande ville du pays dont le nom rappelle que les français sont passés par là.

Ramollis par le rythme anémique de Nevis nous déambulons le nez en l’air dans la ville et traversons une rue avec le sourire de celui qui sait que les automobilistes lui répondront d’un geste aimable et courtois l’invitant à prendre son temps pour passer de l’autre côté. Mal nous en a pris ! Ils ont mis des feux aux passages piétons et il est d’une inconvenance absolue de ne pas les respecter. On s’est pris une soufflante qui nous a réveillés. Voitures qui ne ralentissent pas, klaxons agressifs, piétons qui qui nous font la morale, quel accueil !

Nous revenons vers le port et là nous comprenons que ça y est, nous sommes chez les nouveaux pirates. Les vrais, ceux des Antilles. Ce n’est pas une légende, ils existent. Ils tendent des pièges pour attirer les bateaux et les détrousser. Ils se cachent dans les recoins des iles les plus reculées. On y est.

Un décor de ville a été construit en bout des appontements pour paquebots. L’architecture flirte entre vrais faux docks restaurés et maison caribéennes.  Un grand boulevard, des rues perpendiculaires, une place centrale, le tout rempli de guet-apens en forme de boutiques de luxe. Les armes sont prêtes, aucun dollar ne doit réchapper. Et comment attirer les grands bateaux de croisière dans ce piège ? Simplement en promettant le luxe ostentatoire au prix des économies d’un middle class. Surenchère d’offres extraordinaires, des diamants aussi gros que certifiés, du chocolat mieux que mieux à 14 $ la tablette, des copies de tout, vêtements, maroquinerie, joaillerie. Si à 50 ans tu n’as pas ta Rolex c’est que tu n’es pas venu à S-Kitts. Les pirates sont organisés, ici c’est le clan des hindous, ils tiennent l’ensemble de ce quartier-piège. Tu ne peux pas leur échapper, tu crois entrer flâner dans une boutique de fringues, tu ressors par la bijouterie après avoir traversé l’épicerie fine mais c’est toujours le même tiroir-caisse.

Le plan doit être bon puisqu’on construit un deuxième dock d’appontement. La capacité de piège, pardon d’accueil, va être portée à  4 paquebots. A quelques milliers de gogos par bateau ça fait un beau butin en prévision.

Il y a des jours sans, sans aucun paquebot. La ville piège devient alors ville fantôme. Rideaux baissés, pas un chat dans les rues, aucune vie. Il n’y a pas d’ambiguïté sur  la raison d’être de ce lieu. Les nouveaux pirates sont moins sanguinaires que ceux de nos histoires mais fonctionnent sur les mêmes codes, ils profitent de l’avidité des sociétés riches, des touristes chargés de dollars.

Les deux prochaines îles devant nous sont Statia et Saba. Toutes deux sont Néerlandaises. Ce sont des colonies autonomes et des ports francs.

L’arrivée sur Statia est très agréable. Nous retrouvons un peu de verdure sur les pentes du volcan. Nous nous arrêtons à Oranjestad, seul village de l’île. L’influence hollandaise est évidente, maisons en pierres et en bois colorées, rues pavées, églises anglicanes et synagogue. Le village est en hauteur, la balade y est agréable, plus bas en bord de mer il y a juste ce qu’il faut d’animation.

Pas d’activité mais un esprit bobo-écolo, une vie saine dans un pays durable.

Mais que ce passe-t-il un peu plus au nord ? Nous ne pouvons ignorer ces pétroliers qui attendent on ne sait quoi. Naviguant le long de la côte nous découvrons, à peine camouflé par un petit promontoire, un immense complexe de stockage d’hydrocarbure. Voilà qui dénote avec la belle ambiance de la ville.

Que font là ces milliers de tonnes de pétroles ? Réserves stratégiques ? Répartition avant envoi vers les pays consommateurs ? Trésor de pirate d’un nouveau genre ?

Quoi qu’il en soit Statia et juste après Saba nous régalent de leurs silhouettes dès que nous sommes en mer.  Il y a une grâce dans leurs lignes douces, dans l’équilibre de leurs formes.

Nous sommes sur la route des surprises et Saba ne va pas être en reste car depuis La Guadeloupe, quelques heures de navigation suffisent pour passer d’un univers à l’autre. L’île est minuscule, presque ronde. Juste le haut d’un volcan qui émerge et culmine à 600 m d’altitude. La côte est des plus arides, Les deux villages se sont installés en hauteur faute de place près de la mer. C’est la seule île que nous ayons vue avec cette disposition. Partout ailleurs les villes et villages sont au ras de l’eau et les hauteurs restent désertes.

Il n’y a pas de côte accessible, seulement des falaises. Il est impossible d’entrer dans le  minuscule port situé au sud où nous sommes censés faire les formalités d’entrées. Impossible également de mouiller, il y a trop de fond. Quelques bouées sont à disposition mais ceux qui ont décidé de l’endroit où les mettre n’ont jamais du naviguer en voilier. En plein vent et pleine houle il ne sera pas simple de s’y amarrer et encore moins simple de réussir à rejoindre la cale de débarquement avec notre petite annexe.

Il y a un mouillage plus abrité à l’ouest de l’île, nous l’avons repéré sur les cartes. Plus à l’abri du vent et surtout de la houle, il est possible d’y rester. Le cadre est beau et sauvage mais comment faire pour descendre à terre ? Il n’y a pas de grève, juste quelques mètres de rochers et de galets qui roulent à chaque vague. Et en supposant que nous arrivions à débarquer comment faire pour sécuriser l’annexe et escalader la falaise pour rejoindre le village. Il y a bien un ancien escalier, 800 marches taillées dans la roche au XVII siècle. A l’époque, l’inaccessibilité était la meilleure des protections.

Jugeant l’opération de débarquement trop risquée nous décidons de rester à bord. Nous passerons la journée au mouillage et partirons en fin d’après-midi pour les Iles Vierges où nous voulons arriver de jour.

Saba restera pour nous l’ile inaccessible, l’ile mystérieuse.

Martinique, Dominique, Guadeloupe

La Martinique, La Dominique, La Guadeloupe, trois îles  qui font rêver, on y trouve des petits bouts de paradis, les belles plages, les forêts vierges, les grandes cascades d’eaux limpides, la langue chantée des créoles.

Malgré une urbanisation assez forte, La Martinique nous régale de petites perles, à Anse d’Arlet une simple bière servie sur une table en plastique se transforme en apéro romantique, nous sommes sur la plage, les pieds dans le sable, le couché de soleil devant nous. A Saint Pierre une fanfare locale se prépare pour le carnaval et répète dans la rue. Du Prêcheur à Grand Rivière une belle randonnée nous offre un beau bouquet de montagne, de forêt et de bord de mer.

La Guadeloupe, ou plutôt les îles de La Guadeloupe, nous renvoient à nos rêves des Antilles. Les Saintes, Marie Galante, La Désirade, Basse Terre et Grande Terre nous promènent des histoires de pirates à la chanson de Voulzy. Les îles sont si proches les unes des autres que l’on est surpris de leurs diversités. De la sécheresse des Saintes nous passons en un saut de puce (de mer) à la forêt humide de Basse Terre. De la fébrilité de Pointe à Pitre nous nous sauvons vers le calme et le charme suranné de Marie Galante. Les mouillages sont nombreux, la navigation vive : un rêve de plaisancier.

On pourrait voyager dans une légère insouciance, profiter du soleil, de la mer et du ti punch mais voilà, on ne peut pas toujours rester aveugle surtout quand ça saute aux yeux.

Toutes ces îles  ont été touchées par le cyclone Maria en septembre 2017 qui a fait sur toutes les caraïbes quelques centaines de morts, et des milliers de maisons dévastées, d’arbres arrachés, de chemins ravinés.

A La Dominique les stigmates sont encore très présents 18 mois plus tard, l’état peine à restaurer les bâtiments publics, nombre de maisons restent sans toiture mais bâchées, rafistolées, sans fenêtres, il y a des robinets dans les rues, l’eau n’arrive pas dans toutes les habitations. L’île, indépendante depuis 1978, vivait essentiellement de l’agriculture et du développement d’un tourisme vert, tout cela a du mal à redémarrer. Les dominicains sont très accueillants et leur île est magnifique, on aimerait bien les aider un peu.

Simon et son équipage sur la « Barbara », (le  karaté n° 1 pour les amateurs de voilier) sont restés pour monter une toiture en tôle, le propriétaire les a copieusement rémunérés en rhum, ils sont rentrés très fatigués.

Guest-house et chemins de rando sillonnent l’île, un bon plan pour les marcheurs. L’accès est souvent payant, une façon comme une autre de participer à l’économie locale, c’est celle que nous avons choisie. Forêts humides et sèches, volcans, lacs comblant les  cratères, cascades et chemins de crêtes surplombant l’ensemble nous ont enchantés.

Les cyclones ont fortement impacté la forêt. Les grands arbres sont tous cassés à mi-hauteur sur de larges couloirs. Pour autant ce n’est pas un paysage de désolation que nous avons trouvé. La canopée étant détruite, le soleil et la pluie parviennent maintenant jusqu’au sol et profitant de cette aubaine une nouvelle végétation colonise les couches basses de la forêt. Plantes, fougères, herbes qui normalement n’ont pas assez d’eau et de lumière pour se développer dans ses forêts sèches, rivalisent de vitalité pour coloniser le sol et les premiers mètres de hauteur.

Quant aux grands arbres, en manque de respiration, ils ont réagis en se recréant un feuillage, vite fait, sans prendre le temps de se refaire des branches, et donc à même le tronc. Cela leur donne un drôle de look, comme une coupe de cheveux branchée mais d’un gout douteux.

L’ensemble forme un paysage improbable, de lumières, d’une multitude de verts parfois  fendue d’un vol de perroquet à la queue rouge,  d’odeurs, de formes, de vies.


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En mer, nous ne pouvons pas rester aveugles non plus à la prolifération des sargasses, ces algues dorées que les courants portent et qui envahissent les côtes Est, au vent des îles. C’est comme les algues vertes bretonnes, elles s’amoncèlent sur les plages et leur concentration dégage des gaz toxiques. Rejets de nitrates et phosphates des cultures intensives brésiliennes (les courants remontent de là et il faut bien trouver un responsable, étranger de préférence), réchauffement climatique seraient les causes du phénomène. En mer, on en voit pas mal disséminées, elles nous gênent pour pêcher. Pourtant, dans «  le vieil homme et la mer » Hemingway écrit qu’elles signalent les crevettes et les daurades mais nous, quand on remonte la ligne, on a…un paquet de sargasses. Un jour en mer, le banc était tellement épais qu’une tortue se reposait dessus. Soyons optimistes, quelques utilisations se développent, en Floride, une couche de sargasse, une couche de sable, une couche de plantation permettent de fixer les dunes. Des bretons l’utilisent dans la fabrication d’un nouveau  « plastique »  et à Marie Galante les agriculteurs les répandent en guise d’engrais, ils vont ré-inventer la bonote noirmoutrine.

Justement, à propos de produit phytosanitaire, ici, en Guadeloupe, on ne parle que du chlordécone.

Quèsaco ? Un pesticide utilisé massivement dans les bananeraies de 1972 jusqu’à son interdiction en 1993 (interdit dès 1979 aux USA, ce n’était pas Monsanto le producteur). Très toxique, le produit s’est répandu partout et persiste. Sols, rivières, bétails, volailles et légumes racines, le cycle connu, tout est contaminé et par répercussion, la totalité de la population. Cancer de la prostate, infertilité, malformation…Notre source est sûre, c’est le coiffeur d’Hervé qui le dit ! Mais les infos sont faciles à trouver si vous ne voulez pas venir jusqu’ici pour une coupe.

Pour ceux qui veulent du rêve en veux-tu en voilà, il y en a encore pour tous. Les plages sous le vent sont propres, pas de détritus, pas de plastique dans l’eau limpide, ni près des récifs. Le long des roches la vie est très active, un masque un tuba et nous voilà dans un nouveau monde coloré et frétillant, petits et gros poissons y fraient. Petit détail, 28°, c’est la température de l’eau…

Hier, nous avons croisé au large de La Guadeloupe notre première baleine qui a sauté et fait de gros splaschs en retombant dans la mer. Cela nous a rendu heureux pour le reste de la journée.

Cabotage dans les Petites Antilles

De Tobago à La Martinique nous nous sommes pris au jeu de la navigation aux Antilles.

Des distances courtes entre les iles, l’embarras du choix pour les mouillages, du vent et du soleil, que manque-t-il ? Des gens sympas, oui partout ! Du rhum, presque trop ! De l’eau translucide, oui cristalline et chaude ! Des baies de pirates, on en trouve !

L’ambiance est lumineuse, joyeuse, colorée, musicale. Nous n’avons pas cherché de profondeur en second plan de ce tableau de rêve. Il n’y a peut-être rien à trouver, peu importe restons superficiels, légers et en vacances. Navigation le matin, escale et bain l’après-midi, apéro le soir.

Avec bonheur nous cabotons de cartes postales en tableaux pastel. Notre plaisir est sur l’eau, au ras de la côte à jouer avec le vent et les courants. Seulement quelques heures de navigation entre deux mouillages et nous ne sommes jamais pressés d’arriver, alors nous trainons, voilure réduite, et nous admirons la beauté des îles. Sans cesse nous nous émerveillons des paysages. Tous les jours nous trouvons le plus beau mouillage, la plus merveilleuse plage, l’eau la plus lumineuse, le village le plus accueillant, … Mais arrêtons les comparatifs et les superlatifs, inutile de hiérarchiser, apprécions  chaque instant, chaque lumière,  ils sont si nombreux à être exceptionnels.

Tobago est la chanceuse de ces îles. A l’écart de la route des bateaux de location et des charters, elle profite du dynamisme économique de sa grande sœur Trinidad pour pouvoir vivre aisément. On y a compté moins de 20 bateaux pour l’ensemble de l’ile, quelle tranquillité. Charlotteville, au nord, est la baie idéale. Sa courbe soulignée par une belle végétation fleurie est parfaite, le village de pêcheurs anime la plage, La Grande Lulu s’y dandine de plaisir. C’est l’endroit idéal et que nous conseillerions pour une arrivée de transat. Le rêve antillais n’y est pas brisé, bien au contraire.

Les 80 Nm entre Tobago et Grenade sont avalés dans la journée, 10 heures de navigation toniques nous permettent de partir et d’arriver de jour. A Grenade nous trouvons la masse des bateaux de plaisance. Le grand port de St George et quelques baies aux alentours concentrent les mouillages. Ce sera toujours ainsi jusqu’en Martinique, quelques endroits bondés et la plupart des autres mouillages beaucoup plus calmes.

A regarder les autres on imagine le rêve de chacun. Avoir un très beau, très grand voiler, ou plutôt un bateau de pirate, ou alors un minuscule bateau, ou bien celui fait de ses mains. Etre en voyage, ou en vacances, insouciant les pieds dans l’eau et le verre de punch à la main.

Grenade, Les Grenadines formées par Union Island, Mayreau, Canouan, Tobago Cays, Moustique, Béquia nous offrent un terrain de jeu fantastique. Si aujourd’hui ces îles sont calmes et stables et que nous pouvons nous y promener sans arrière-pensée, cela n’a pas toujours été le cas. Grenade fête ses 50 ans d’indépendance, ce n’est pas si loin. Pendant longtemps Anglais et Français s’y sont affrontés pour se les approprier et on retrouve dans les noms des lieux les traces de ces deux envahisseurs.

Les Anglais ont laissé des noms assez prévisibles comme Britania Bay, Endeavour Bay, Georgetown, Port Elizabeth et ont été suffisamment fourbes pour dénommer un ridicule caillou «  Bonaparte ». Les Français ont été plus imaginatifs, voire gaulois et nous sommes passés par Petit Bordel Bay, pointe du Petit trou et pointe de Chique la moule,  l’île Morpion voisine de la Punaise, les îlots Petit Bateau et Petit Tabac, Vide bouteille, Brute, Diable, Lascar et autre Zozio …

Nous continuons vers le nord, vers St Vincent et Ste Lucie. Plus grandes, ces iles semblent plus contrastées avec des villes riches et des villages plus démunis. Au nord de St Vincent nous nous arrêtons à Chateaubelair bay. Malheureusement pour le petit village, un fond de houle et une plage un peu trop pentue rendent l’accès en annexe délicat. Alors sur les bateaux de passage les équipages restent à bord et le village ne profite pas de cet apport économique. Quelques téméraires viennent sur les embarcations de fortune nous proposer des fruits et leur service pour visiter les alentours. Nous rencontrons Boy-Boy. Son nom semble être un gag mais quand plus tard nous demanderons le chemin de sa maison on nous l’indiquera sans hésitation, c’est donc bien comme cela qu’il s’appelle. Boy-Boy parle un peu français, il a appris avec des cassettes que lui a données une femme sur un bateau qui passe ici de temps en temps. « Une bretonne comme vous » nous dit-il. Il est malin Boy-boy il a repéré notre ‘gwen-a-du’ et tente le message « les bretons sont généreux ». le lendemain matin, profitant d’une houle un peu plus faible,  nous arrivons enfin à débarquer et retrouvons Boy-Boy juste là quand il le faut près à nous aider. Curieux hasard pensons-nous que l’endroit où nous avons réussi à débarquer soit là où il vit. Naïfs que nous sommes ! Il n’y a pas de hasard, il n’est là que pour nous. Nous nous laissons faire et acceptons sa proposition de nous guider jusqu’aux chutes qui font la renommée de l’arrière-pays. L’endroit est effectivement sympathique. Nous remercions notre guide pour pouvoir profiter à notre rythme des lieux et convenons de le retrouver à sa maison. Même si nous  ne nous attendions pas à une superbe villa nous sommes sous le coup en y arrivant. Sur un tout petit terrain en forte pente, Boy-Boy vit dans une masure de bois et de tôles. Sa pauvreté nous touche.

Il nous reçoit avec le sourire, nous montre fièrement ses quelques arbres fruitiers, bananiers, orangers et ananas. Boy-Boy n’est pas dans la plainte, il a des projets, nous montre la minuscule pirogue qu’il s’est fabriquée « beaucoup de travail, explique-t-il » et le petit bateau pneumatique qu’il a récupéré et qu’il répare depuis longtemps. «Il me manque de la colle pour finir les réparations » et il espère que quelqu’un voudra bien lui en ramener de Martinique. Boy-Boy ne demande rien expressément, il explique juste de quoi il a besoin et qu’il ne peut se procurer. Quand vient le moment de se quitter Boy-Boy a l’amitié collante, il nous retient et veut nous faire un cadeau. Il nous offre trois bananes de son jardin et une petite poignée de noix de muscade, puis nous demande quand nous reviendrons.

Notre vie de voyageur est faite de rencontres et de départs.

Rapide halte de deux jours à Ste Lucie puis nous reprenons la mer pour La Martinique. Nous nous régalons de la navigation dans les canaux entre les iles. Réputés difficiles ces quelques heures de navigation sont en réalités simples. Le vent et les courants ne sont plus capricieux comme sous le vent des îles et nous pouvons faire marcher La Grande Lulu à son maximum. Évidemment il y a un bon 20 nœuds de vent et la mer qui va avec. Pour ceux à qui on a vendu « une croisière de rêve sur un catamaran » et qui commencent par ces passages agités, on peut comprendre que ce soit inconfortable mais pour qui est amariné (et navigue sur un vrai bateau)  c’est un bonheur.

Nous voyons La Martinique avec un œil neuf. Nous n’y étions jamais allés ensemble et nos précédentes visites respectives nous avaient laissé sur notre faim. Pas assez exotique, trop proche de nos habitudes hexagonales, trop loin de nos fantasmes sur les Caraïbes. Nous apprécions aujourd’hui cette île pour les même raisons qui nous faisait ne pas trop l’aimer hier. Qu’il est bon de retrouver nos repères. La langue française, le pain, l’odeur d’un « vrai » café.

Nous y sommes quelques jours pour prendre soin de La Grande Lulu, qu’elle nous emmène tous encore longtemps !

 Petite traversée, changement d’ambiance.

600 Nm (1 100 km) entre les Iles du Salut et Scaborougth, port principal de Tobago. Nous voilà repartis pour quelques jours de navigation.

Les conditions de navigation sont étonnantes pour qui a l’habitude de naviguer en Bretagne. Un seul bord, vent constant, route en ligne droite. Cela semble bien facile, d’autant que le courant des Caraïbes nous pousse vivement. Nous ne mettrons que 3 jours (73 heures exactement) pour faire ces 600 Nm, c’est pour l’instant notre record de vitesse. Restons modestes, quand nous sommes descendus aux Iles du Salut nous étions sur une route inverse et avec le courant et le vent dans le nez il n’y avait pas eu de quoi pavoiser sur notre vitesse moyenne.

Peu importe, nous en avons bien profité. Grand-voile haute, génois maxi, La vie est belle dans les Alizés. Nos prenons un ris de confort pour la nuit car nous savons maintenant que le vent forcit le soir jusqu’à 20/22 Kn. Inutile de tracer la courbe de pression atmosphérique, ce n’est pas l’indicateur de météo pertinent à cette latitude. Globalement les Alizées sont constants avec une légère variation de direction dans la journée et un renforcement la nuit. Les grains sont à surveiller, ils n’ont jamais été inquiétants. Nous avons même pêché un petit thon qui faisait juste la bonne taille pour nos 3 jours. Quand tout va bien…

Tobago, notre porte d’entrée aux Petites Antilles. Changement d’ambiance. L’air est plus sec, les nuits plus fraiches, 25° quand même. Notre impression est de passer du terrain d’aventure au village vacances. Heureusement pour nous Tobago n’est pas sur la route classique des bateaux de plaisance qui eux viennent principalement du nord (Martinique et Guadeloupe) et qui redoutant la navigation au près ne vont pas plus sud que Grenade.

Et le bagne ?

Pourquoi n’avons-nous pas parlé du bagne ?

Nous sommes pourtant arrivés en Guyane à St Laurent du Maroni et repartis des Iles du Salut, deux hauts lieux du bagne.

A St Laurent le bagne est omniprésent, la ville a été créée pour et par le bagne. Tous les grands bâtiments sont liés à cette époque. Le camp de transportation (quel drôle de nom), les immeubles de l’administration, le tribunal, les maisons des gardiens, l’hôpital, rien n’échappe à la règle d’avoir été construit par les bagnards et pour l’activité du bagne. Nous ne pouvons donc l’ignorer.

Étonnamment les gens que nous rencontrons sont peu intéressés par cette histoire si visuellement présente. Est-ce du déni ? De l’inculture ? Cela nous a perturbés et il nous aura fallu un peu de temps pour comprendre. En fait, la population métissée a d’autres chats historiques à fouetter. Bien avant l’arrivée du bagne les villages amérindiens étaient déjà  installés plus en amont le long du fleuve,  les migrants  noir-marrons fuyaient l’esclavage ou plus tard la guerre civile du Suriname, les créoles arrivaient des Antilles avec un lourd passé. Ils n’ont pas été concernés par l’épopée du bagne de Guyane. Ils ont leur propre histoire, rude, riche, complexe. Et comme il n’y a pas ou si peu de descendants de bagnard, ce qui s’est passé à St Laurent ne concerne pas les gens que nous croisons dans la rue.

Seule la métropole cultive la mémoire avec une certaine culpabilité de cette époque pas si lointaine. Le bagne est la honte de la France, pas de la Guyane.

A St Laurent on parle de patrimoine, les bâtiments sont peu à peu rénovés, réhabilités. Le camp de transportation devient en grande partie un musée. Cherche-t-on à expier ? La visite guidée hésite entre voyeurisme et remords, à tel point que la valeur du bien et du mal, des bons et des méchants vacille. Les bagnards deviennent les victimes, l’administration pénitentiaire et les gardiens les sadiques. Ça ne pouvait pas être si binaire, vérité et bons sentiments s’embrouillent.

La visite de ces lieux remis en scène avec un éclairage de contrition ne nous apprendra rien de nouveau. La littérature, les documentaires, le cinéma nous ont déjà fourni en images. Sans doute est-ce pour cela que nous n’en avons pas parlé. Refaire un article Wikipédia en piochant dans les livres n’aurait pas eu d’intérêt.

Pour clore notre périple en Guyane nous sommes allés aux Iles du Salut poussés par l’envie de naviguer et de retrouver un coin de mer bleu où il sera bon de se baigner.

Les Iles du Salut forment un archipel de trois petites îles très proches les unes des autres, face à Kourou emblème moderne et technologique de La Guyane.

L’Ile du Diable, où nous n’irons pas est quasiment inaccessible. La côte très rocheuse, la houle et les forts courants ne nous incitent pas à tenter d’y débarquer.

L’Ile Royale, la plus grande, est très bien mise en valeur. De beaux bâtiments coloniaux sont magnifiquement restaurés. Les environs sont entretenus comme un parc paysagé. Un brin de cellules disciplinaires, un minuscule musée commémoratif, la piscine des bagnards où l’on peut se rafraîchir avec le frisson qui va bien, une belle auberge qui propose une cuisine de qualité, des chambres d’hôtel à la vue imprenable et le tour est joué. Voilà comment faire une vitrine internationale de notre bel art de vivre à partir d’un fait historique à la moralité discutable. On y promène les visiteurs VIP de Kourou.

Il ne faut pas cacher que nous avons profité avec plaisir du confort de cette île. Et c’est lors d’une promenade anodine, profitant de la fraîcheur de fin d’après-midi que l’émotion a pris le dessus. Au hasard d’un sous-bois nous trouvons un petit cimetière, pas entretenu, juste quelques petites tombes avec encore des noms lisibles sur les pierres. C’est le cimetière des enfants. Des enfants des gardiens. Il nous rappelle comme la misère fut présente, qu’elle n’épargna personne. Ce cimetière ne semble pas faire partie des lieux à montrer aux touristes. Sans autre explication il nous faut s’interroger et imaginer. Comment et pourquoi venir au bout du monde pour un travail qui ne semble pas avoir été gratifiant, avec femme et enfants qui mourront ici ?

Le lendemain nous allons sur la troisième ile, Ile Saint Joseph. Changement d’ambiance. Pas de décor, entretien minimaliste, très peu de passage, l’ile Saint Joseph et son histoire de bagne n’a pas eu le droit à la couche de cosmétique de sa voisine l’Ile Royale.

Seulement les ruines d’un nombre incroyable de cellules, minuscules, alignées, organisées en blocs, cernées de murs. Tout se délabre mais il semble que rien n’ait été modifié. L’horreur du bagne est restée présente partout dans chaque pierre, dans chaque recoin.

On n’ose parler fort, on ne déplace rien, il ne faut pas déranger. L’émotion se sépare de la raison pour venir nous prendre aux tripes. La réflexion historique est dépassée, l’évidence est que des hommes sont venus mourir ici, poussés et encagés par d’autres hommes dont beaucoup mourront aussi ici. En contre-bas, près de la mer il y a là un cimetière, le cimetière des gardiens. Où est celui des bagnards ? Il n’y en a pas. 50 000 morts pendant la durée du bagne et pas une tombe, pas une plaque. On leur a tout pris, leur vie, leur nom, le droit au deuil de la famille. Leur mémoire anonyme reste dans les ruines, cette île est un sanctuaire.

Aucun nouveau projet n’a été entrepris pour cette île. Qui oserait ? Seule la nature est légitime pour prendre la main sur ce passé et l’effacer à sa façon. Elle le fait doucement, à un  rythme qui ne dérange pas la mémoire. Les arbres poussent, tantôt s’appuyant sur les murs, tantôt les faisant tomber. Le vent et la pluie ont fait disparaitre les toits et érodent tranquillement les pierres. Les racines envahissent les allées, les plantes s’insinuent dans les fissures. Les portes en bois ont disparues probablement mangées par les termites et les araignées les remplacent par leurs toiles.

Quand l’érosion aura fait sa tâche, quand les murs auront disparus sous la végétation, quand il ne restera plus que quelques traces dont on aura oublié le sens, l’histoire du bagne sera finie.

DEGOMMONS LES IDEES RECUES

Mais qu’est-ce que vous allez faire en Guyane ? Y’a pleins de moustiques, des mygales tueuses et des serpents venimeux  partout,  c’est dangereux, vous allez vous faire égorger ou vous perdre dans la forêt, la vie est très chère et en plus c’est la saison des pluies ! Voilà en résumé les avertissements que nous avions eus de ceux qui n’y sont jamais venus.

A St Laurent du Maroni, nous dormons sans moustiquaire, et de tout notre périple, un peu de protection a suffi à les faire fuir.

Nous avons eu la chance de voir une mygale « Theraphosa Leblondi », la plus grosse araignée du monde. Les mygales ne sortent pas de leur trou sauf très rarement les mâles. Le corps de celle çi faisait une quinzaine de centimètres, elle peut atteindre 30  cm. Les mygales ne sont pas venimeuses, il y a qu’une espèce d’araignée qui l’est.

Les reptiles sont plus peureux que nous, nous n’en avons pas vu, pour être totalement honnêtes, nous ne les avons pas cherchés non plus.

Nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité mais nous n’avons pas non plus trainé tard le soir à Cayenne.

Les loyers sont exagérément chers, pour 500€ des proprios louent 60 m2 de construction  proche de la cabane au fond de nos jardins, le marché de Cayenne est aussi très cher mais celui de St Laurent non. Le super U de St Laurent est globalement dans les mêmes prix que celui de La Turballe.

C’est la saison des pluies, il y a eu des jours sans, 2 jours avec, quasi non-stop mais le plus souvent il y a une ou deux très grosses averses de 10 min dans la journée suivi d’un beau rayon de soleil qui sèche tout.

Les guyanais aussi ont des idées sur la métropole, pays merveilleux où on peut nourrir une famille de 4 personnes avec 400€ par mois. Une prof de français, venue de métropole il y a quelques années, montre à ses élèves « La vie est un long fleuve tranquille » comme un documentaire « sociologique »

 Sauf à Cayenne qui est une grande ville, partout les gens se disent bonjour en se croisant dans la rue, particulièrement les enfants qui ne ratent jamais un bonjour madame, bonjour monsieur. Le maroni est très «  africain » mais il n’y a aucune hostilité envers les métro.

Nous avons été surpris de la quantité de littérature régionale, roman, histoire, policier, guide de la faune, flore…et un guide magnifique sur la Guyane de Philippe Boré qui laisse tout routard, lonely planet ou ptit futé insipide pour un moment ( en vente à la géothéque à Nantes).

Pour vivre l’ambiance des campoes, lieu-dit au bord du Maroni, on recommande un bon roman policier sociologique bien documenté : « les hamacs de carton » de Colin Niel édition babel noir.

LES GENDARMES À SAÜL

LES GENDARMES À SAÜL.

 Saül, 50 habitants en plein cœur de la forêt-1 heure d’avion-

A la descente de l’avion, 17 passagers maximum, nous avons tous été accueilli par un gendarme qui nous a donné quelques conseils de base pour partir en forêt, nous a détaillé les différents sentiers possibles et demandé de les  prévenir le matin de la rando choisie et avertir de notre retour le soir. A la nuit, ils vérifient que chacun est bien revenu et lancent des recherches éventuellement (ça arrive)

Bref, c’est la 1ere fois que nous avons eu le sentiment que le gendarme était là pour nous protéger , çà existe ! Évidemment, ça questionne un peu, ce qui nous a semblé exceptionnel est juste normal.

Il y a 2 gendarmes en permanence qui sont relayés toutes les 3 semaines.

Le soir, c’était réveillon. Tous le monde s’est retrouvé chez Lulu, tenancier d’un carbet bar restau et organisateur de toutes les fêtes du coin. Rhum, cuisine locale, champagne à gogo et cotillons à minuit. Le jeu favori était de tirer sur les gendarmes à la sarbacane. Amis de la lutte contre l’aéroport et projets inutiles, gilets jaunes, petits jeunes roulant en voiture un peu pourrie faute de moyen, citoyens colorés vous voilà vengés !

PARCOURS DE SANTE

Dispensaire de Saül

              Saül, vu du promontoire

Saül est dominé par un promontoire, on y monte le soir pour voir le coucher du soleil. C’est un lieu propice au bavardage pour faire connaissance avec les autres voyageurs, peu nombreux. Mais tout là haut, au cœur de la forêt, nous étions deux infirmières anesthésistes et deux médecins anesthésistes, de quoi faire un mini congrès. Christine, ma collègue, travaille à Kourou depuis 6 mois, elle vient de Roanne où tous les mercredis une infirmière assure une animation pour préparer les enfants au bloc. Les enfants reçoivent le livre des aventures du renne qui vient se faire opérer et ça marche bien. Bien sûr, j’ai présenté « les ptits doudous ».


Plus tard, nous avons fait connaissance de Séverine, l’infirmière du dispensaire qui assure seule la présence médicale. Elle a une bonne connexion qui la relie aux médecins urgentistes de Cayenne, un médecin vient un jour par mois pour consulter et suivre les patients atteints de maladie chronique. En proportion ( 50 habitants + une poignée de touriste) le dispensaire est bien équipé , notre mini congrès l’a visité.

Le congrès s’est achevé quelques jours plus tard à bord de La Grande Lulu autour du ti punch La Belle Cabresse et de la cuisine locale  » crevettes en chaleur ».

Visite des p’tits doudous au dispensaire d’Apatou

Apatou, 5000 habitants, est situé sur le fleuve Maroni,à 70 KM de la côte, c’est la fin de la route. Le village est peuplé de bushi nengee ou noir marron, descendant des esclaves échappés des plantations. Nous sommes en France et d’ailleurs les gens se présentent avant tout comme français avant de décliner leur ethnie. Mais culturellement, on se sent bien loin de la métropole.

Les fenêtres du dispensaire donnent sur le fleuve comme au CHU de Nantes et avec un peu moins de moyen , on y fait quelques gestes identiques. Dans les dispensaires de « forêt », il y a de jeunes médecins traitants qui signent des contrats de courte durée, les conditions financières sont alléchantes, malgré tout le recrutement est difficile.

Les infirmiers ont, pour les plus anciens, une grande expérience et autonomie.

salle d’attente


Salle d’accueil, secrétariat, archives, bureau des infirmiers, salle de pré consultation par les infirmiers, salle de vaccination Et salle de café

Bureau , salle de consultation du médecin et salle d’accouchement « inopiné »

Les grossesses sont suivies par une sage femme qui passe une fois par semaine, à 8 mois, les parturientes sont envoyées à St Laurent où se trouve la maternité

Salle d’urgence, de soins infirmiers ( beaucoup de pansements) et mini labo,une pirogue passe le mardi pour prendre les prélèvements .