Notre Dehler 41 Cr est un plan Judel-Vrolik sorti en 1997 du chantier Dehler en Allemagne. Ce chantier a quelques particularités. Les bateaux se veulent performants, construits et équipés sans économie.
La Grande lulu est une version 2 cabines doubles.
Il mesure 12m50 pour 3m de bau et 1.95m de tirant d’eau. Presque 90m2 de voilure au près et 170m2 maxi au portant. Voilà pour les mensurations.
La construction est au top des standards de l’époque. Résine vinylester, grammage et drapage des tissus selon les efforts, full sandwich balsa pont et coque (y compris sous flottaison), châssis acier, cloisons stratifiées à la coque, barre à roue sur couple conique réglable et transmission par biellette, réseaux eau et électrique soignés. Bref, que du bon et jamais une mauvaise surprise quand on va dans les détails.
Dans la gamme Dehler il y a quelques modèles « Cruising » dont le nôtre. En quoi cela peut-il se voir ?
- le mat est posé sur le pont et non pas implanté
sur la quille
- moins de possibilité de réglage du mat, profil plus lourd mais pas de problème d’eau qui pénètre par l’étambrai et facilité de matage.
- La quille a moins d’allongement
- on gagnera en stabilité de cap les quelques degrés de finesse que l’on perdra au près.
- Le roof est plus large
- moins de passe-avant mais plus d’habitabilité
- L’accastillage est ‘optimisé’ pour un équipage réduit.
Revue de détails :
La silhouette
On nous dit souvent quand on arrive dans les ports que nous avons un beau bateau. Nous acceptons la gentillesse d’autant mieux que nous partageons cet avis.
En fait il faut comprendre par-là que l’esthétique générale de LGLL correspond à ce que l’on peut attendre d’un voilier tel qu’on se l’imagine, tel qu’on le dessinerait sans trop réfléchir. Le Dehler 41 CR est classique, pas trop large, pas trop haut de franc-bord, une étrave inclinée, une jupe arrière. Son roof large et plat complète une image de bateau puissant et marin. L’architecte a eu un joli coup de crayon sans chercher à bousculer les codes si conservateurs de la plaisance.
D’une manière générale c’est un bateau qui ne cherche pas à briller dans une situation particulière mais à être efficace dans le plus grand nombre de circonstances.
La carène
Classique on l’a dit mais avec le souci du détail et de l’efficacité.
Les lignes sont tendues, avec un bon appui sur la partie arrière qui se referme au tableau arrière. Il est étonnant de voir le peu de sillage de cette carène.
Le bau à la flottaison et la surface mouillée sont modérés avec un peu d’élancement (11,05 de flottaison pour 12,50 de coque), les performances par petits temps ne sont pas négligées.
La quille est plus trapue que sur une version sport. Le rapport de lest reste important (3300 kg pour 8300 kg lège) les finitions sont soignées avec un retour de galbord en jonction quille/coque et une fuite elliptique.
Idem sur la qualité de finition du safran suspendu. Bord de fuite elliptique, compensation impeccable.
Nous avons préparé la carène avec la solution d’antifouling permanent (longue durée) CopperCoat. Voir l’article « préparation de la carène »
Le plan de pont et accastillage
De l’avant à l’arrière on trouve la baille à mouillage avec son système un peu compliqué de davier articulé. Esthétiquement c’est class, l’ancre s’intègre à l’étrave quand elle est remontée. Chaine et guindeau sont dans la baille et invisibles du pont. Mais peut-être est-ce là le point fragile du bateau. Le manque de rusticité du système posera-t-il problème ? Nous verrons.
Juste derrière la baille à mouillage il y a une soute à voile très pratique que nous utilisons pour stocker les par-battages et l’ancre légère.
Sur la plage avant il y a le bout dehors de spi et le rail de trinquette autovireuse et plus en arrière ce qui caractérise ce plan de pont c’est le peu d’accastillage visible. Seulement deux winchs dans le cockpit plus un en pied de mat. On se demande comment on va faire alors que toutes les manœuvres à l’exception des drisses de génois, de trinquette et de spi qui restent au pied de mat.
On retrouve donc dans le cockpit, près de la barre, une batterie de coinceurs et 2 winchs pour gérer la drisse de GV, les écoutes (génois, trinquette, GV), les prises de ris auto, les réglages de GV (balancine, hale-bas, bordure), les bastaques, le frein de bôme, le réglage du pataras, les écoutes de spi, les barbers. Au total une vingtaine de bouts à arriver sur deux winchs.
Très déroutante au début cette solution fonctionne bien en équipage réduit. Les manœuvres se font de manière très décomposées, un peu lentement. Inutile d’inviter un équipier sportif, il serait frustré.
Le plan de voilure
L’originalité de ce plan de voilure est dans la répartition gv/genois. La GV est clairement privilégiée. Le mat est haut (17,50 m à partir du pont) et très avancé, la bôme est longue. Quant au génois il est allongé avec un très faible recouvrement. La GV fait un peu moins de 50m2 et le génois environ 40m2.
Comme nous avons eu l’occasion de faire refaire les voiles et que Pierre a bien voulu écouter mes demandes nous avons choisi pour le génois une coupe privilégiant un près rapide (océanique) à 50/55 ° du vent (c’est notre choix de navigation), et sans latte (on y perd un peu de surface et d’efficacité car il faut une chute légèrement négative mais ou y gagne beaucoup en rusticité et en durée de vie).
Et pour la GV un design full batten avec seulement deux ris. Cela peut paraitre curieux pour un programme hauturier. La bôme est accastillée pour deux ris automatiques et un ris manuel, pour avoir trois ris il aurait fallu choisir entre soit un premier ris manuel (mais c’est celui qu’on utilise le plus), soit un troisième ris manuel (mais quand on commence à parler du troisième ris il ne fait déjà plus très beau et ce n’est pas une partie de plaisir que d’aller en pied de mat pour crocheter le point d’amure du ris, d’autant que nous naviguons à deux et que pour peu qu’il faille être à la barre, ça manque de bras pour que la manœuvre soit proprement effectuée).
Donc le choix a été d’avoir deux ris, plus grands que la normale, le deuxième diminuant la Gv de 60%, soit une cote intermédiaire entre un deuxième et un troisième ris classique.
Jusqu’à aujourd’hui nous avons navigué plus de 7500 milles avec cette GV Les navigations les plus soutenues l’ont été avec des vents jusqu’à 40/45 nœuds et jamais nous avons eu besoin de réduire plus.
Revenons aux voiles d’avant. Le génois est vite à la peine avec sa courte bordure. Du près au travers il reste très performant mais aux allures plus arrivées il faut le remplacer par le gennaker (75 m2) qui est parfait de 90° à 160° du vent réel jusqu’à 17/18 nœuds de vent ou le spi (120m2 que nous n’utilisons que très peu, il n’est plus performant que le gennaker qu’entre 150° et 170° du vent par moins de 12 nœuds).
Pas de tourmentin, mais sur étai largable une trinquette autovireuse avec un ris. Nous ne l’avons pas encore utilisée.
Energie (eau gaz électricité gasoil )
Le nerf de l’autonomie : il faut produire de l’énergie.
Pour le gaz c’est simple, nous n’en n’avons pas à bord. La cuisinière et le chauffage fonctionnent au gasoil (le même que celui du moteur)
Pour l’eau nous avons une pompe à eau de mer et 2 tanks de 175 et 200 litres qui suffisent jusqu’à 20 jours pour nos besoins ménagers et nos douches. Nous buvons de l’eau en bouteille. Nous envisageons la pose d’un dessalinisateur pour les régions ou l’eau est rare et où nous ne nous voyons pas faire un plein de presque 400 litres devant des gens pour qui l’approvisionnement en eau est un problème.
Pour l’électricité nous utilisons un hydro-générateur ancienne génération. C’est un alternateur basse vitesse entrainé par une hélice qui court derrière le bateau au bout d’un bout d’une vingtaine de mètres. Il fournit environ 120 Ah par 24 heures. On couvre à peine nos besoins journaliers quand il fait chaud et que le frigo tourne 75% du temps. Alors on fait tourner le moteur environ 1 heure par jour.
La charge par le moteur a été optimisée avec un alternateur de 80A en remplacement du 45A d’origine. De plus la charge est gérée par un booster d’alternateur.
Nous n’avons encore pas de solution pour générer de l’énergie au mouillage. L’hydrogénérateur peut se transformer en éolienne, nous n’avons pas testé ce montage, j’ai des doutes sur son efficacité d’autant que l’on cherche toujours des coins à l’abri du vent pour les mouillages.
La solution complémentaire envisagée pour l’instant est d’avoir deux panneaux solaires de 50w chacun, non fixes, que nous positionnerions selon notre orientation.
Pour le gasoil, qui est important puisque nous l’utilisons pour les déplacements au moteur, la cuisine et le cas échéant le chauffage, nous n’avons qu’un réservoir de 140 litres que nous complétons d’un jerrican de secours de 20 l. C’est faible si nous devons utiliser le moteur pour nous déplacer. Heureusement le bateau est véloce, même dans le petit temps et pour l’instant cela nous a suffit. Pour des navigations plus difficiles, là où le ravitaillement est plus rare, ou par temps froid ou par conditions contraires qui imposent le moteur nous aurons des jerricans supplémentaires. Ce n’est pas aussi bien qu’un gros réservoir, on s’en contentera.
Voilà pour la présentation technique du bateau. Nous compléterons cet article par des descriptions de la préparation que nous avons faite avant le départ. Nous parlerons du traitement de carène, du gréement, du stockage …